Willy fut notre guide pour visiter les mines de Potosi. Ancien mineur lui-même, il s’est arrêté il y a un peu plus de 12 ans, et ne descend désormais plus au fond que pour faire découvrir son univers aux touristes de passage. Son agence, à quelques encablures de la Plaza 10 de Noviembre, la place principale de Potosi, s’appelle Marco Polo et je recommande vivement de passer par lui. En plus, il parle français, ce qui ne gâche rien.
A titre personnel, je ne voulais pas visiter les mines, j’étais vraiment en mode “boycott”, halte au voyeurisme… Aller voir la misère, je n’aime pas ça…On ne va pas à la découverte des forçats du fond comme on va au zoo, et en plus, les mines de Potosi ont la réputation de faire encore travailler des enfants de 12-13 ans. On n’en aura pas vu, mais j’avoue que le doute subsiste dans mon esprit…
Et puis dans mon histoire personnelle, la mine me touche particulièrement… Je suis issue d’une famille ouvrière de Lorraine. Et j’ai eu un grand-père atteint de la silicose. Et si dans ma famille les garçons n’ont pas commencé à travailler enfants… 14 ans n’est quand même pas bien vieux pour passer à “la vie active”… Je n’aurais pas aimé que des touristes viennent voir mon oncle ou mon père au travail…
Alors… pourquoi y être allée quand même ?
Parce que Geoffrey m’a convaincue, parce que j’avais visité la Casa de la Moneda la veille, et que je me disais que je passerais à côté de toute l’histoire de Potosi, et surtout parce que j’ai rencontré Willy.
Je pense qu’il m’a cernée en 3 minutes. Ou alors, il est comme ça avec tout le monde, Willy. Pas de chichi, pas de fausse rigolade, du parler vrai, de la bienveillance. On a vraiment l’impression de partager. Et puis il rassure, sans masquer la réalité non plus.
C’est donc lui qui nous initiera aux secrets de la mine, son absence de plan, les mineurs qui travaillent 24H à la suite, la feuille de coca qu’on chique pour tenir, la hiérarchie des fonctions que l’on occupe selon son âge, son expérience, et son courage… Et puis la silicose (d’ailleurs il tousse beaucoup, Willy…), les paies qui varient en fonction de ce qu’on rapporte, mais aussi des cours des matières premières, et de la bonne volonté des acheteurs, qui eux s’enrichissent… Le Tio, le dieu-diable de la mine qu’on vénère… auprès de qui on boit un coup en fin de semaine, au fond même de la mine, pendant que les femmes attendent à la maison…
Willy serre la main de chaque mineur. Il les connait tous personnellement. C’était ses anciens collègues.
Nous entrons dans un monde bien masculin, fait de fierté, et de courage. Un mot qui revient souvent. “Quand on est mineur, on est courageux ou courageux”. Pas le choix.
Et puis la tristesse de ces enfants qui se détournent de la mine pour vivre mieux et “abandonnent” les parents restés à Potosi… Willy trouve tout cela injuste. Parce qu’à Potosi, on vit de la mine, et uniquement de ça. On vibre avec la mine, on naît avec, et on doit mourir avec, même quand on est devenu guide… et qu’on espère que son fils ne descendra pas au fond.
Mon esprit ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec ma famille et la fierté des mineurs résonne en moi… comme cette autre fierté, la mienne : celle des ouvriers, de leurs tournées, leur travail dur, le danger, leur solidarité, la beauté du métal en flamme, les cieux rouges la nuit… et l’inexistence de choix : « tu iras à l’usine mon fils »…
La mine, l’usine… le bagne ? Pour ces hommes, c’est toute leur vie… Un jour, notre usine à nous a fermé. Libération ? Pensée spéciale pour mon grand-père. Le jour où ils ont abattu le haut-fourneau, n’est plus jamais sorti de sa rue. A quoi bon ?
Merci Willy de nous avoir entrouvert le monde de Potosi…
Vous avez aimé notre article ? alors n’hésitez pas à liker et partager ! et puis laissez-nous un petit commentaire, on y répondra avec plaisir. Vous pouvez aussi vous abonner au blog ! 😉