Dans la baie d’Halong, notre guide s’appelle Kay. Il a 25 ans, et il est génial. Il est aux petits soins avec nous sur le bateau, nous guide en kayak entre les pains de sucre, et nous explique la vie dans le village lacustre ou la ferme à poissons. Il est aussi la première personne qui nous fera sentir le caractère de la plupart des gens au Vietnam : très souriants, toujours de bonne humeur, se préoccupant de leurs touristes, et curieux. La discussion est donc d’autant plus facile au Vietnam, peut être encore plus qu’en Inde.
Le soir, quand on bavarde un peu plus, Kay nous avoue ne pas être heureux. Autant dire qu’il le cache bien, vu la journée qu’on vient de passer. Clairement il ne voulait pas être guide, lui. Il est de Cat Ba et n’avait pas l’intention d’y retourner après ses études. Il a fait un bac + 4 en informatique. Mais que fait-il ici ?
Apparemment trouver du travail dans sa branche d’étude n’est pas évident du tout au Vietnam, et Kay aurait adoré travailler dans l’informatique : les ordinateurs, c’est sa vraie passion.
Il nous explique aussi un peu l’envers du décor du système Vietnamien. Oui, le pays se développe, mais ici on travaille 7 jours sur 7, du moins dans tous les métiers touchant au tourisme au moins. C’est donc le cas de Kay, qui dort sur le pont du bateau avec le reste de l’équipage quand on se prélasse dans nos cabines de luxe.
Le système scolaire ? He bien il faut payer pour être instruit ! En fait on comprendra que l’école est gratuite jusque 15 ans, mais qu’il faut payer l’uniforme, les livres, cahiers, etc.. ce qui revient à 4-5 € / mois et par enfant, et est loin d’être neutre pour les Vietnamiens les moins fortunés. Ensuite, c’est très compliqué, car là effectivement il faut payer. Les jeunes Vietnamiens sont d’ailleurs surpris que l’université soit « presque » gratuite en France.
Changer de métier ? Pas évident pour Kay : Tout le système de soin et de retraite repose sur des assurances. Quand on change de métier, on perd les avantages acquis, comme si vous perdiez tous vos points retraite à chaque fois que vous changer de travail en gros…En plus, malgré les systèmes d’assurance, il faut payer ses médicaments, et c’est loin d’être donné.
On n’est pas sûrs d’avoir tout compris au mode de fonctionnement de ces « assurances » mais plusieurs personnes au Vietnam nous en ont parlé. C’est assez clé, d’avoir une assurance et forcément, ça coute cher…
Education, Santé, Retraite.. on n’a pas tellement l’impression d’être dans un pays communiste…
Kay s’intéresse aussi beaucoup à nos Visas. Pour aller au Vietnam, en effet, si vous restez plus de deux semaines, il vous faut un visa, assez simple à obtenir, en réalité (nous avons fait un e-visa en ligne avec Action Visa pour notre part). Par contre, pour voyager, Kay nous explique que les Vietnamiens, eux, doivent avoir une autorisation de sortir du territoire. Pour l’obtenir, ils doivent passer une batterie d’entretiens, et prouver qu’ils ont pas mal d’argent en banque. Le gouvernement s’assure que ses citoyens reviendrons bien !
On voit partout l’entreprise individuelle se développer. Au delà des petits marchands de rue qu’on voit à Hanoi ou ailleurs, et qui eux échappent à l’économie, sinon souterraine, l’entreprise privée est aujourd’hui facilitée et au moins une partie des Vietnamiens peut en profiter. C’est le cas par exemple du chef de Kay. Initialement il était instituteur. Mais ici un instituteur gagne environ 150 € / mois. Même si le Vietnam n’est pas cher, c’est limite pour vivre. Alors il a lancé son agence de tourisme (on est sur son propre bateau), et ça a l’air de bien marcher pour lui. En plus il a bonne réputation ici. Sa compagnie : Cat Ba Vision.
Mais si les instituteurs préfèrent devenir chefs d’entreprise, il va vite y avoir un souci supplémentaire en termes d’éducation. D’ailleurs, on nous a confirmé que peu de gens ici rêvent de faire ce métier, bien trop mal payé.
Je rêve devant la baie d’Halong sous nos yeux. Je lui dis que ça fait très longtemps qu’on voulait venir ici, que c’était un rêve, qu’on est en train de réaliser. Amer, il me dit que son rêve, à lui, ce serait de venir travailler en Europe, dans l’informatique. Pas facile facile d’arriver jusqu’en France, on le sait bien. Je n’ose pas lui proposer de se lancer dans cette galère…Rejoindre Hanoi ou Saigon pour au moins tenter à nouveau de travailler dans sa branche ? … il a peur de ne plus avoir le niveau et indique qu’ici, à 25 ans, tu es déjà vieux. J’espère qu’il en aura le courage quand même…
Je suis un peu désespérée pour lui, quand je pense qu’on peine tant à recruter de bons informaticiens en France…Ne sachant comment l’aider concrètement, on n’a pas été plus loin… je le regrette…J’espère qu’il parviendra quand même à s’échapper de Cat Ba…