Envie de plongée

A André, qui m’a fait découvrir la plongée.

A Ben, qui l’a permise.

Splashhhh….!!!!!

J’ai fermé les yeux, mon dos s’écrase contre quelque chose de lourd et moelleux à la fois. Des centaines de bulles grouillent autour de mes oreille. Puis, brutalement, je suis aspiré vers le haut.

Mon visage émerge. Je tente une inspiration en ouvrant les yeux. Ouf, pas d’eau dans le masque, en revanche, il faut forcer sa respiration pour débloquer le détendeur. C’est bizarre, je ne m’en souvenais plus. Je commence à haleter. Il me faut enlever l’embout pour retrouver l’air. Le reste de mon corps est plus léger mais j’ai du mal à trouver l’équilibre. Ca va recommencer, comme il y a 12 ans, lors de mes dernières plongées.

Tout le monde est dans l’eau. Le signal est donné. Descendre. Je trouve difficilement le bouton pour vider l’air de mon gilet. Remettre le détendeur dans la bouche.

Ce bruit. Dark Vador. Avec les bulles en plus. Puissant. Vibrant. Envie de dire que ça ne va pas bien, mais il faut attendre que quelqu’un me regarde. Ivresse, vertige, nausée. Combien de temps ça dure une plongée ? Mon manomètre indique 200 bars, ¾ heures minimum. Ca je m’en souviens. Impossible. Ca fait 10 secondes que ma tête est sous l’eau, et déjà, mon corps veut que ça s’arrête. Remonte. Remonte. REMONTE.

Nico me regarde enfin,  il fait le signe pour savoir si tout va bien. Combien j’aimerais lui dire oui. Une seconde passe et je tends ma main et la balance de gauche à droite. Non, ça ne va pas. Je sens qu’il veut m’aider à faire quelque chose. Je tente de…. Mais l’idée de rester encore sous l’eau est intolérable. Mon corps veut remonter. Inspiration, inspiration. Mes poumons sont gonflés au maximum. Au dessus de moi, à peine 1m50 d’eau. – je n’expire pas.- Il faut maintenant lutter pour rester au fond. J’essaie de vider encore l’air de mon gilet. Plus rien ne sort. Rester, rester encore un peu. Et si je veux respirer sans ce truc dans ma bouche, je vais me noyer. Des images défilent devant mes yeux. Arracher, tout arracher pour se libérer et remonter, l’air, sans pression, sans dépression, sans effort.

Désolé Nico, c’est insupportable, je m’étouffe. Je dois remonter.

***

C’est censé n’être que du plaisir et je ne fais que me battre contre…

J’adore l’eau, nager, sentir sa fluidité caresser mon corps. Glisser.

J’adore le fond de l’eau, regarder les poissons, le corail, au loin les abysses traversés par les rayons du soleil, formant un orgue lumineux infini, ou rester à quelques centimètre du fond pour voir balloter les grains de sable sous l’effet des vagues. Juste admirer la lumière limpide à travers le masque.

J’adore ne plus rien entendre du monde du dehors, mais les bruits sourds qui résonnent et viennent d’on ne sait où.

J’adore le monde marin en général, la voile, les bateaux. Partir.

J’adore me sentir libre en apnée, l’air de la surface emprisonné. Et rien d’autre. Un masque. Et voler vers le fond. Sans palme, c’est encore mieux pour se sentir libre et découvrir ce monde qui n’est pas le mien. Partir à l’aventure à chaque plongée. Une sensation grisante tellement accessible.

***

Je devais avoir 14 ans et m’ennuyais dans la maison de mes grands-parents. Partir à la plage, bronzer avec un livre dans la foule ? Hum.

Plutôt partir nager. Mais plus de masque en état. Les caoutchoucs se disloquaient. Où en trouver. J’étais loin de tout magasin. Et si ?

Si je prends des affaires, je ne pourrais pas nager tout de suite. Alors, je mets juste l’argent qui me reste dans un sac plastique que je noue au maximum pour le rendre le plus étanche possible et pars vers la plage. En maillot de bain et en tong. Pas plus.

Arrivé dans l’eau je mets mes tongs au bout des mains pour m’en servir de palme. Il faut traverser une partie de la baie pour se rendre dans la ville. Une demi-heure pas plus. Peu importe. Arrivé sur une plage dans la ville, je remets mes tongs. Torse nu, en plein été, personne ne regarde trop. Dans le magasin, pas beaucoup de choix. Je prends le meilleur modèle, paye et me redirigei vers la plage.

Mon masque est parfait. Je chausse à nouveau mes tongs au bout des mains et retourne pour découvrir les rochers où se nichent oursins, poissons et orties de mer. Rien de trop extraordinaire.

Ce qui l’est en revanche, c’est la sensation de liberté que je viens de vivre.

Avoir l’essentiel, si possible polyvalent. Pour se sentir libre.

***

Retour à aujourd’hui…

Ben, l’instructeur de  plongée me demande ce qu’il se passe. Ca ne va pas. C’est tout, ça a recommencé, les mêmes sensations qu’avant. Pas le temps de lui expliquer, il faut qu’il s’occupe des autres plongeurs. Je remonte sur le bateau, enfin libéré de toute entrave. Je m’allonge. Mais que faire le temps que les autres remontent ? Aller les voir ? En apnée. IL n’y a pas de tuba, sur le bâteau. Pas Grave. Je plonge. Et suis mes amis qui découvrent ou renouent avec la plongée. Sentiment mitigé. Je les envie, et même temps, revivre cette sensation de suffocation. Impossible.

Sur le trajet du retour, j’en viens à la conclusion que la plongée en bouteille, ce n’est pas pour moi.

A terre, on débriefe. Un sea snake de bonne taille, (ce fameux tricot rayé mortel), trois tortues, un poisson scorpion… Mes amis ont le sourire jusqu’aux oreilles.

Alors, je me dis. Il faut reprendre tout à zéro.

Je vais voir Ben, et lui raconte mes pérégrinations. Il m’écoute et laisse toutes les portes ouvertes, y compris essayer de plonger juste dans la piscine. Pour voir ce qu’il se passe. Ok j’y vais. C’est facile. Une piscine à deux pas. Il faut saisir l’occasion.

Dans l’eau. Je suis seul à descendre doucement. Les consignes. Inspirer et expirer lentement. Je vide mes poumons avant de mettre la tête dans l’eau et respire profondément. Petit à petit je m’enfonce. Comme j’expire l’air doucement, les bulles sont plus fines et moins bruyantes. Entre deux eaux, en apesanteur, le corps relâché. Je laisse toutes les tensions et fais le vide dans ma tête.

Soudain, la tentation de regarder vers le haut, ma gorge se noue. Mon corps m’appelle, remonte, remonte, respire le bon air. Je ferme les yeux et écoute l’air qui passe dans le détendeur. Je reprends le lent rythme qui rentre et sort. Respiration profonde, plus lente, apaisée.

Etrangement, je commence à bien me sentir. J’étends mes membres et me plaque au fond. Les yeux fermés. Ailleurs. Sans poids, ni corps. La respiration. La vie. La respiration. La vie.

Je crois que c’est bon. Impossible de dire combien de temps j’ai passé sous l’eau. Je me sens prêt. Lydie, qui me surveillait, me lance un regard bienveillant. Je lui fais signe que tout va bien, que je crois avoir pris le dessus.

Je raconte tout ce qu’il vient d’arriver à Ben. Je veux aller plus loin. “Ah”, me dit-il, “peut-être le déclic.”

Je lui fais part de mon souhait de faire une nouvelle tentative. Dans la piscine, je me suis bien senti. Même très bien.

Il réfléchit. Le matériel de la dernière plongée n’est pas complètement rangé. Ma bouteille ? Il reste 170 bars au moins. Il me dit : “Et si on y a allait maintenant ? Tu le sens ?”. Devant la plage du club, il y a également des fonds. Il lui arrive des faire des sorties départ à pied. Généralement, il ne le fait pas, car, partir en bateau correspond plus à ce que les clients attendent. Mais les fonds sont très beaux.

“ Il faut marcher et porter un peu. Après si l’on a plus assez d’air, il faudra aussi palmer pour revenir.”

-Je n’ai aucun problème pour nager”, lui réponds-je, “Mon problème, c’est de respirer sans cette foutue angoisse.

-Ok, alors, c’est parti.”

Pas la moindre inquiétude dans sa voix. On va faire les choses simplement. Sans se poser de question. Ca me rassure.

Juste le temps d’endosser le matériel, et nous voilà partis. J’essaie de ne pas trop penser. Je suis si heureux de repartir en homme-grenouille, que je ne sens pas le poids de la bouteille.

Nous avons les pieds dans l’eau.

“On va suivre un petit chenal, puis partir vers la droite, il y a un tombant, on va rester à 3 mètres puis descendre doucement. Fais comme tu le sens, on a le temps. On rentrera quand la bouteille sera vide.

-Parfait !” Que dire de plus.

Nous chaussons les palmes et empruntons le petit chenal. J’ai le détendeur dans la bouche, mais, maintenant, je sais comment réagir, je n’y pense pas. Le chenal commence avec 1m d’eau. Fastoche. Nous glissons entre les parois sombres. Au fond du sable. Nous descendons. Je palme doucement, au rythme de ma respiration, profonde, longue. Je m’amuse avec mes poumons pour tester ma flottabilité. C’est quasi magique. Inspire, tu montes, expire, tu descends. Avec un peu d’inertie, certes. Toute la technique est là, trouver le bon rythme pour conserver la même profondeur et éviter de faire du yoyo. Pas facile.

On arrive au bout du chenal, c’est beau. Mais c’est immense. Du sable et des rochers. Un pan qui descends vers le fonds. Ben me regarde. J’hésite. Je ne sais plus si ça va. L’angoisse tapie remonte. Je retiens mon souffle les poumons gonflés. Je sens que je vais remonter. Et si la plongée ce n’était vraiment pas fait pour moi ?

Et là, que se passe-t-il ? Un regard, un geste, une image. Je ne sais plus. Mais, on m’a tendu la main. Et Remonte, s’est transformé en Reste. Je me concentre sur ma respiration. Je l’étends le plus possible, et force pour vider au maximum les poumons. Je regarde un point. C’est magnifique. Je reste sur ce mot.

Quelques instant plus tard, je vole au dessus du tombant. Ben me montre des coraux, un petit vers multicolore. Je m’amuse avec mes poumons, tente de suivre les poissons qui viennent à ma rencontre. C’est merveilleux. Un peu comme dans Avatar. Un autre monde. Je savais qu’il existait, mais le vivre sans peur, en jouant, volant. C’est fabuleux.

Ben me fait le geste avec les deux mains. Une tortue ! qui s’enfonce doucement dans les abymes. La lumière se fait intense. Les couleurs explosent. Je remplis mon masque d’eau pour le nettoyer, c’est encore plus magique.

Le temps passe. A tout hasard, je regarde mon manomètre. Je suis à quasi 16m, mince. Si bas déjà, je jette un coup d’oeil vers le haut, appréhendant l’angoisse, qui serait encore cachée. Rien. Alors je continue au milieu des coraux multicolores, des poissons, et de cette sensation.

Il est temps de faire demi tour, et de retrouver le petit chenal. Nous n’aurons pas besoin de palmer en surface. 45 minutes de bonheur.

Je me suis retrouvé entier.

Le lendemain, j’ai refait deux plongées. Un plan sans accroc.

***

Mille mercis à Ben qui a fait ce qu’il fallait sans dramatiser. Ce n’est pas grand chose. Mais ca aura été une belle victoire pour moi. Ne plus étouffer.

La plongée c'est super ! - Siquijor - Philippines
La plongée c’est super ! – Siquijor – Philippines

 

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