Nous avons rencontré Gaël en Polynésie. Il a permis de réaliser un de mes rêves. Je n’avais qu’une seule cartouche pour convertir Juliette à la voile et à des croisières de plusieurs jours. Elle n’avait fait que des sorties à la journée, et avait peur de s’ennuyer, de se sentir enfermée… Bref, la voile, ça n’était pas fait pour elle. Alors je me suis dit que s’il n’y avait qu’un seul endroit à choisir, ce serait la Polynésie, quitte à casser la tirelire.
Notre itinéraire nous y emmène en février-mars. Point positif, c’est la basse saison, donc moins cher. Mais la météo sera instable. Je tombe sur des charters de Catamaran. Ça semble sympa, assez luxueux même. Pour contrer l’ennui, on voyagerait avec d’autres personnes, le bateau est plus grand (des catamarans de 50-60 pieds). Mais cela reste cher, car il nous faut deux cabines, et rappelons le, nous sommes en Polynésie : tout est disproportionnément hors de prix.
Finalement j’atterris sur le site d’un voilier monocoque de… 57 pieds ! J’écris un mail un peu comme jeter une bouteille à la mer, n’y croyant pas trop. Pourtant je sens sur le site que ce serait l’expérience idéale. Le skipper, Gaël est aussi architecte naval. Il a skippé tous types de bateaux à travers le monde. Grosse expérience pour rassurer Juliette. Et étonnement, c’est lui qui a construit son propre bateau en aluminium. Là, ce n’est plus que son bateau qui m’intéresse, c’est lui. 57 pieds, c’est plus de 17 mètres de long, 4 mètres de large. C’est immense, très différent des 11-12 mètres que nous avons connus.

Gaël me répond, il me propose des formules attractives financièrement : le prix est maîtrisé, en échange, on participe à la vie à bord. Rendez-vous skype organisé. D’abord, sa voix. Elle est extrêmement rassurante et correspond au personnage que je m’étais imaginé. On sent qu’il connaît son sujet. Il nous explique les différentes possibilités et comment se déroulera la croisière. On passe de lagons en lagons, on a l’usage de l’annexe, donc on peut faire des stops sur les motus déserts, aller sur les meilleurs spots à visiter. L’idéal. En plus comme la saison n’est pas bonne, on se donne la possibilité de commencer la croisière en fonction de la météo. Soit on commence par les Tuamutu, soit les îles sous le vent, et en dernier repli, les Marquises. Seule contrainte, on doit être à Papeete le 15 mars, car il a une autre croisière qui commence le lendemain. Le Kaila a 4 cabines, nous en aurons 2 pour nous et l’exclusivité du bateau, le carré fait 16m2 au bas mot, à l’arrière une jupe s’abaisse et se transforme en terrasse. Je finis par convaincre Juliette…
Au final nous embarquerons à Raïatéa dans les ïles sous le vent. Je vais pouvoir peu à peu découvrir Gaël.
Une petite quarantaine, père de 2 garçons. Breton. Autodidacte.
La mer, il est tombé dedans. Ses parents emmènent très tôt la famille sur un voilier où ils passeront la majorité de leur temps libre à la découverte des mers qui jouxtent l’Europe. Il n’a pas le bac, mais pour assouvir sa passion de la glisse (catamaran, planche à voile), il devient moniteur. Puis, comme il faut bien vivre et que le monitorat n’est pas une fin en soi, il commence à skipper des bateaux ou à les convoyer. Il va pouvoir ainsi naviguer un peu partout à travers le monde.
Marin il est, et à un marin, il faut un bateau. Il achète un vieux voilier de 11 mètres qui lui permettra d’aller jusqu’en Polynésie. Mais il s’y sent à l’étroit. L’expérience des mers, et des bateaux lui fait imaginer son bateau idéal. Il n’a pas les moyens de l’acheter, alors il va le fabriquer. C’est le début du projet Kaila.
Parallèlement, ses parents l’ont sensibilisé très tôt à l’écologie. Ce sont des précurseurs qui ont commencé dès les années 70. Ils ont été parmi les premiers en France à construire une maison à énergie passive, ont une société de consulting, développent des logiciels sur l’énergie solaire. Comme c’est le sujet du moment, je lui fais part de mes réflexions actuelles. Il m’écoute, mais ne relance pas. Je me sens tout bobo nouvellement conquis par un sujet qu’il maîtrise. J’apprends quand même que dans les années 90, il avait conçu, lui qui n’avait pas le bac, des tuiles photovoltaïques refroidies par la structure portante : des tubes en aluminium dans lequel circulait un liquide qui récupérait la chaleur, et réinventait dans le chauffage/eau domestique. Il m’explique qu’un des problèmes du photovoltaïque est que le rendement variait en fonction de leur température. Il faisait une pierre deux coups. Des panneaux solaires intégrés au toit, qui produisait de l’eau chaude et qui avait en plus avait l’avantage d’utiliser une technologie, certes à faible rendement, mais peu couteuse car utilisant des les matières premières abondantes. Il compensait le rendement par plus de surface. Génial. Et 20 ans avant les tuiles de Tesla !
Mais trop tôt. En plus, cela faisait converger des corps de métier qui ne travaillait jamais ensemble. Donc trop compliqué pour l’époque.
En tout cas, cela révélait certaines choses. Je comprenais mieux comment sans avoir fait d’étude, il put dessiner et construire seul son bateau.
IL commença par ingurgiter la bible du genre : « Architecture du voilier, Théorie, dessins et calcul » de Pierre Gutelle. Puis il dessina le bateau.
Il y passa deux ans.
C’est alors qu’une lutte contre la montre commença. Il n’avait pas assez d’argent pour financer l’intégralité des matériaux. Alors qu’il n’a que 27 ans, lever des fonds sur des dessins et sa bonne gueule ne suffisait pas. La construction de la coque lui donnerait la crédibilité nécessaire. La vente de son premier bateau lui permit de financer l’aluminium. Mais pas plus. Il fallut pourtant se loger, trouver un hangar.
La coque achevée, pour clore le financement, il vendit des souscriptions de croisières, ça a bien fonctionné mais accentua encore la pression.
En tout il lui aura fallu 4 ans et 8500 heures. Ce qui est encore plus admirable, c’est qu’il dut acquérir en plus des compétences en ingénierie, celles en chaudronnerie, en mécanique, en électricité…
Le résultat est remarquable. Certes sa coque en aluminium n’est pas flatteuse. Mais ce bateau semble à toute épreuve, est très maniable, léger a une grande autonomie avec ses panneaux solaires, sa cuve importante de gasoil, d’eau douce, son désanilisateur. Chaque détail a été optimisé, aussi bien pour le marin, que pour celui qui l’entretien et le répare, que pour le bien être de l’équipage.
Cela fait douze ans maintenant que Gaël sillonne les mers. Il s’est établi en Polynésie et propose des croisières charters abordables. Il s’adapte aux besoins de ses clients. Il fait aussi des affrètement scientifiques.
Son nouveau projet. Le graal du charter : le Chili et l’Antarctique. Pour cela, il faut financer une première expéditions de reconnaissance de plusieurs mois et les modifications nécessaires du navire pour assurer la sécurité des passagers. En plus la saison accessible complète idéalement celle de la Polynésie.
Bravo.
On abordera peu les sacrifices qu’il lui aura fallu pour réaliser ses projets. Plus j’y pense… Le coût n’aura pas été que financier. Mais il a son bateau, sa maison, qu’il a construit de ses mains en partant de rien. Il n’a plus de frontière.
Alors bien sûr je conseille le Kaila. Le bateau est le meilleur moyen pour découvrir la Polynésie. Il vous emmène dans les plus beaux endroits, sans les touristes. Les points de vue sont inégalables. Aucun 5 étoiles luxes ne peut rivaliser. Avec en plus, le supplément d’âme. Et un pain maison délicieux. Savez-vous que les marins s’échangent leur levain ?
Autre chose, contrairement à ce que l’on croit on peut boire de l’eau filtrée, pure, déminéralisée. L’apport en minéraux est faible comparé à la nourriture. Tant que l’on mange on peut boire de l’eau désalinisée. Ce que nous avons fait. On a bu de l’eau du Pacifique ! On est peace maintenant !
Et l’écologie ? Il a tourné la page. Ecoeuré. Pour lui, il n’y a pas de volonté politique. Les bouleversements sont trop importants et personne ne s’y risque. En plus dès que l’on touche au secteur Areva, EDF/Engie, plus rien ne bouge.
La solution ne viendra pas d’en haut.
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