Le 5 Mars, nous quittons tôt Flora et sa jolie maison à Huahine, direction Raiatea, dernière des îles sous le vent qu’on avait prévu de visiter avec notre pass Air Tahiti (encore un vol incroyable : 35 km !!! Hérésie !!).

A l’arrivée un taxi nous attend. Nous avons réservé à la Villa Tonoï, un peu au Sud d’Uturoa. Construite sur les hauteurs, face à la passe Teavapiti, elle jouit d’un panorama incroyable sur le turquoise de l’eau, le relief de l’île, et les petits motus en face, avec Huahine en toile de fond. Un rêve..Et parait-il “la plus belle vue de Raiatea”. Bon, pour y accéder encore une pente qui me rappelle chez Pierrick et Mimi, aux Marquises, mais je commence à m’y faire…

Raiatea est connue comme l”île Sacrée”, le berceau de la civilisation Polynésienne : Elle fut en effet la première des îles de la société à être peuplée : on pense que c’est ici que débarquèrent les premiers Polynésiens sur leurs immenses pirogues il y a plus de 1000 ans. On lui attribue ainsi souvent le nom Maohi de “Hawaiki Nui” (Havai’i : le monde souterrain / Nui : grand). Elle aurait également été la première île de l’archipel de la Société à posséder une dynastie royale.
Une des images circulant ici est celle d’une pieuvre représentant toute la Polynésie. Chaque patte serait un archipel (les Ambiers, les Tuamotu, les Australes, les Marquises, les îles Cook, Hawai, La Nouvelle-Zélande, l’île de Pâques, jusqu’aux Iles Samoa et Tonga). Et le coeur en serait Raiatea.
Avec ses 12 000 habitants, Raiatea est aujourd’hui la plus peuplée des îles Polynésiennes, après Tahiti et Moorea, et c’est aussi la plus grande après Tahiti et les lointaines Marquisiennes Nuku Hiva et Hiva Oa.
D’ailleurs, Uturoa, au Nord, est également la capitale administrative des îles sous le vent, et on y trouve un hôpital, deux lycées (les seuls hors Tahiti de toute la Polynésie), trois collèges…Aussi, beaucoup d’élèves des îles avoisinantes comme Bora Bora, Maupiti ou Huahine viennent étudier ici.
Mais au delà du dynamisme d’Uturoa, l’île est restée très sauvage, et le tourisme y est peu développé. Son économie reste fortement agricole, et tournée vers le marché local, même si on en exporte vanille, ananas, ou encore coprah et nono (encore une plante magique, médicinale, rien à voir avec l’horrible mouche de sable).
Elle partage par ailleurs son lagon avec Tahaa, sa voisine, distante de 4 km seulement. Une légende dit que Tahaa et Raiatea ne formaient par le passé qu’une seule île, mais qu’un géant en colère les aurait séparées d’un grand coup de main, suite à un chagrin d’amour. (J’adore ces légendes Maohi).
Comme il est encore tôt, notre bungalow n’est pas tout à fait prêt, et nous prenons un petit café en discutant avec l’ami de Kevin et Laura, les “patrons”, qui s’occupe de plein de choses ici. La villa Tonoï a une histoire : Laura est la fille d’un riche polynésien ayant fait fortune dans l’industrie. Et comme c’est son fils qui est aujourd’hui impliqué dans la reprise de l’entreprise familiale, il a fait construire la Villa Tonoï pour sa fille, afin d’être équitable. La belle Laura a entre temps rencontré Kevin et ils s’occupent désormais de ce petit établissement de 4 bungalows autour d’une jolie piscine. Et on s’y sent … trop bien ! Laura et Kevin sont adorables, tout comme les gens qui travaillent avec eux… On sent que les rapports avec eux sont plus que sains, amicaux, effectivement.
On se sent tellement bien que dès qu’on a récupéré notre bungalow, on sort nos maillots : programme du jour : regarder la vue du Bungalow sans jamais se lasser, admirer les piroguiers s’entraîner pour les grandes compétitions qui arrivent, notamment la Tahiti Pearl Regatta qui se déroule en mai ou la Hawaiki Nui Va’a en Novembre (la pirogue est en Polynésie le sport national), lire, nager dans la piscine et surtout organiser du début de notre périple en Amérique du Sud (déjà, savoir comment s’y rendre, car les billets via l’île de Pâques qu’on avait envisagé d’acheter ont pris 3000 Euros… on ne visitera donc pas l’île de Pâques…).
- Entrainement des piroguiers – Vue de notre bungalow – Villa Tonoï – Raiatea – Polynésie
La journée est finalement bien occupée et passe vite !
Le 6 Mars, nous avons loué une voiture pour le désormais traditionnel “tour de l’île” que nous faisons sur chaque île visitée (voir Moorea, Huahine). Non qu’on soit accro à la chose, mais les excursions sont toujours extrêmement chères, et en une journée, ces petits tours nous permettent d’en découvrir un maximum pour un budget à peu près maîtrisé. Et comme nous avons peu de temps sur chaque île…De toute façon, pas de transport en commun ici.
Nous voici donc partis vers le Sud, une fois la voiture livrée à domicile, comme à Huahine !
Nous traversons la jolie baie de Faaroa, dans laquelle se jette la rivière du même nom, la seule navigable de Polynésie.
Et nous parvenons un peu plus loin, face à la passe de Te Ava Moa au Marae de Taputapuatea, le plus grand (2000 ha) et le plus sacré de toute la Polynésie, au delà même de la Polynésie française ! Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2017 ! (ça me manquait les “patrimoine mondial…”), lieu de pèlerinage pour tout le peuple Polynésien.

Nous plongeons une nouvelle fois au coeur de la culture polynésienne, de moins en moins perdus (merci quand même pour le petit prospectus et les panneaux explicatifs)…
Ce Marae exceptionnel date du XVIIeme siècle, mais remplace un Marae plus ancien, dédié à Taaroa. Il est lui dédié au dieu Oro, le dieu de la vie et de la mort, de la guerre, bref, le “souverain du monde”. Selon la légende, c’est Hiro, demi-dieu descendant d’Oro qui construisit ce Marae et lui donna le nom de Taputapuatea.
Il était autrefois considéré comme le coeur religieux de toute la Polynésie Orientale. Sa vocation était de relier le monde des humains (Te Ao), le monde des dieux (Te Ra’i) et le monde des ancêtres (Te Pô). L’une de ses particularité est également qu’il est sacré à la fois côté terre, mais aussi côté mer : La passe Te Ava Moa, en face, est en effet également sacrée.
- Pétroglyphe poisson – Marae Taputapuatea – Raiatea – Polynésie
Il est en réalité constitué d’un ensemble de 83 Marae qui structuraient la vie spirituelle et sociale des grandes chefferies du XVIIeme et XVIIIeme siècle : C’était à la fois un grand centre politique mais aussi cérémoniel, funéraire et religieux.
Nous explorons quelques maraes, immenses dalles de corail et de pierre volcaniques.
- Marae Taputapuatea – Raiatea – Polynésie
On y découvre le trône du roi, le lieu d’investiture des chefs suprêmes, marqué par une pierre dressée de 2 mètres 70.

Un peu plus loin, un autre marae est réservé aux grands navigateurs partis “fonder de nouveaux maraes sur le grand ocean” : tout nouveau Marae des îles polynésiennes devait inclure une pierre de Taputapuatea en guise de lien spirituel (jusqu’en Nouvelle-Zélande !). Car le peuple Mao’hi fonda sa culture sur la mer et non sur la terre, pouvant parcourir 5000 à 6000 km avec leurs pirogues pour coloniser de nouvelles îles, ceci dès le IXeme siècle ! Le Marea Taputapuatea avait ainsi un véritable rayonnement international, qui grandit avec l’expansion du culte de Oro. On y venait aussi pour apprendre, partager son savoir sur l’origine de l’univers… ou la navigation sur les océans.



Plus à l’intérieur, d’autres maraes sont dédiés aux danses, aux rituels, aux sacrifices humains. Une plate forme est dédiée aux archers pour leur entraînement ou les compétitions de tir à l’arc…


La belle histoire s’acheva pour la chefferie Tamatoa qui dominait les lieux lorsque, en 1763, des guerriers de Bora Bora attaquèrent l’île et la saccagèrent, inclus le Marae de Taputapuatea. Il fallut attendre les années 30 pour qu’une première restauration s’initie.
Mais nous mourons de chaud et l’exploration culturelle s’achève là… Par contre, le Marae jouxte une jolie petite plage, certainement sacrée, mais non interdite à la baignade ! Et nous avons vraiment trop besoin de nous rafraîchir. Bonne grosse trempette avant de pique-niquer en toute simplicité aux abords de ce lieu mythique et mystique.

Puis nous reprenons tranquillement la route, passons la vallée d’Opoa pour arriver dans le Sud, au relief des plus abrupts, avec ses pains de sucre, en retrait de baie Faatemu, encadrée par les monts Oropiro et Aahinui. Magique !



Quelques mini motus isolés dans leur eau bleutée nous rappellent bien où nous sommes.

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Micro Motu – Raiatea – Polynésie
Puis nous remontons tranquillement la côte Ouest, traversant petits villages et hameaux du bout du monde dont Vaiaau, Tehurui et Tevaitoa. Tiens, un Super U construit à ras des flots. Il doit avoir le plus bel emplacement de supermarché du monde celui-là ! Quant au temple protestant de Tevaitoa, il est également construit tout près des flots, et près d’un autre Marae. Spiritualité multi-confessionnelle pour ces lieux.



Il parait que le coucher de soleil de la côte Ouest est superbe, mais bon, nous avons la plus belle vue de l’île à la villa Tonoï, et une petite piscine pour l’admirer…alors on ne veut pas rentrer tard.
Nous ne découvrirons pas la jolie fleur de tiare apetahi, endémique et protégée, mais elle se cache au coeur d’une des plus hautes montagnes de l’île dont elle est le symbole. Tant pis…
En arrivant à Uturoa, nous découvrons une bien grande animation sur la place centrale : Dans deux jours, c’est la journée de la femme, et un assez grand nombre d’entre elles sont rassemblées pour lancer des activités : concours de couronnes de fleur (la gagnante en aura réalisé 19 en 2H !), marche jusqu’à la marina, et danses traditionnelles. Mais les danses sont “en retard”. On en profite pour faire un peu de lèche vitrine dans les boutiques autour de la place. Tiens, une galerie d’Art expose les oeuvres de Mélanie, l’artiste de Huahine ! On est trop fiers de l’avoir rencontrée !
Il se met soudain à pleuvoir, compromettant les danses et notre petite baignade piscine de fin de journée. Bon, allez, on rentre…Eden et Geoffrey n’hypothèquent pas le saut dans la piscine malgré la pluie, mais on écourtera quand même la soirée.
Le 7 Mars, Geoffrey a décidé d’aller plonger dans la passe Teavapiti, juste en face de la Villa Tonoï : Depuis qu’il n’a plus peur (Merci Ben, le coach Philippin), il piaffe à l’idée d’une plongée en bouteille en Polynésie. Alors c’est SON jour. Entre temps, Eden et moi nous rendons à Uturoa en vélo. Il faut savoir que les vélos Polynésiens sont comme les vélos hollandais : pour freiner / s’arrêter, il faut pédaler à l’envers. Pas fastoche quand on n’a jamais essayé… En plus, pas de vélo enfant, donc Eden est sur mon porte bagage. Après un début un peu compliqué, je prends le rythme. Houra ! Suis une mère formidable ! Au programme quelques emplettes : Du BON PAIN (baguette presque aussi bonne qu’à Paris), superbes fruits et légumes au marché couvert, mais surtout, des petites chaussures d’eau. J’en ai vraiment assez d’avoir peur de mettre les pieds au fond de l’eau, et de nager avec mes tongs à la main ! D’ailleurs, j’aurais dû les acheter bien avant, tiens ! Nous faisons un petit détour par les “Fares des Mamas”, jolis fares le long du port servant de marché artisanal, mais nous sommes sages et ne craquons pas (pourtant ce n’est pas l’envie qui nous manque).
Retour à la maison, toujours avec Eden sur le porte-bagage et en freinant à reculons, avec les courses en plus. Et puis les vélos se garent en bas de la villa Tonoï, et nous finissons les 200 mètres de grimpette toute raide à pied. Arrivées en haut, on jette les courses pour un plouf plus que mérité dans la piscine.
On retrouve Geoffrey pour le déjeuner. Il est tout content de sa plongée. Il n’a “même pas angoissé”, et il a vu une jolie tortue et pas mal de beaux poissons, sur un joli tombant. Mais il reste finalement nostalgique des fonds Philippins. On devient difficile en tour du monde !
L’après-midi, nous avions prévu de retourner au village avec Geoffrey pour grimper au sommet du Mont TapioÏ (294 mètres), qui offre une vue splendide paraît-il. M’enfin, une vue d’exception on en a une ici, à la villa Tonoï, et puis il fait bien trop chaud pour avoir envie de marcher. On renonce. Et on profite de la villa et de sa piscine. Bon programme aussi ! La journée s’achève doucement…

Le 8 Mars, dernier jour de notre séjour à Raiatea, nous décidons de partir à l’assaut du petit Motu Ofetaro, que nous admirons depuis quelques jours depuis notre bungalow : il est public et aménagé, et la Villa Tonoï peut nous y déposer en bâteau puis revenir nous chercher à 13H. Parfait ! Nous y accédons après une très courte traversée, tout excités ! Il y a une belle plage ici, et on peut faire du snorkeling ! Il parait qu’on risque de croiser des requins (!!) mais aussi et surtout des tortues ( <3).




Et lorsque le petit bateau s’en va, nous sommes…seuls au monde ! La jolie plage aux cocotiers est vite repérée. On installe les pareos, et on ferait bien un brin de bronzette, car il ne fait pas encore trop chaud. Sauf que…en quelques minutes nous sommes assaillis par les nonos !! Non !! Ne nous reste plus qu’une solution : aller dans l’eau ! Et vite ! On précipite donc un peu notre snorkeling. Jolies patates coralliennes sur fond sableux. Petits poissons multicolores, parfait. Par contre, on ne verra ni requins ni tortues. Tant pis, c’est joli quand même !
Mais lorsque l’on revient, on se rend compte que des petits bateaux n’arrêtent pas de déverser des femmes sur l’île. Que se passe-t-il ? Nous qui pensions être seuls ? Et encore un bateau, encore un… Mais, mais…il doit bien à avoir 50-60 femmes maintenant ! Elles se mettent à l’eau pas très loin de nous. Fous rires entre copines. Paréo, couronnes de fleurs, vahinées plus ou moins jeunes et jolies en train de tremper. Geoffrey est le seul mâle de l’île… Ha non, on en repère un autre, mais visiblement travesti. En réalité, en Polynésie, la notion de genre est beaucoup plus souple que chez nous, et les “Mahu” (travestis) extrêmement bien acceptés. Et pour cause, une des coutumes familiales encore très répandues et d’élever son fils aîné comme une fille…En tout cas, sa présence toute féminine passe complètement inaperçue sauf à nos yeux d’occidentaux 🙂


Un peu plus tard, Eden et Geoffrey sortent enfin de l’eau, et combattent les moustiques pour réaliser un château de sable géant, ou plutôt un véritable village, avec noix de coco en guise de “maisons”. Peu conventionnel mais assez local comme château…



Quant à moi, je me rapproche des femmes, intriguées. Que font-elles toutes là ? Je demande à l’une d’entre elles : elle me rappelle la date : 8 Mars, journée de la femme. Alors elles ont décidé de se réunir entre elles pour fêter leur journée avec pique-nique et ukulélé. Génial !

Ha, les femmes Polynésiennes… Bon, elles ne ressemblent pas toutes à des Miss, loin s’en faut, et le surpoid est souvent la norme, mais avec leurs paréos, leur sourire et leurs couronnes de fleurs, elles sont toutes magnifiques. Et puis, et surtout, elles tiennent tout sur les îles : on dit qu’elles occupent 80% des postes dans le tertiaire (principale activité des îles), notamment le commerce et l’hôtellerie, la santé, l’assurance, l’action sociale. Elles occupent de nombreux postes de chefs d’entreprise ou encore de ministres. D’ailleurs, elles sont largement plus diplômées que les hommes. Et puis comme un peu partout ailleurs, elles s’occupent du foyer, de la scolarité des enfants, de tâches administratives, domestiques ou culturelles. Enfin, ce sont souvent elles les propriétaires fonciers !
Bref, elles ont bien mérité une journée “à elles”, ces femmes toutes puissantes de Raiatea. D’où ceci vient-il ? Déjà avant l’arrivée des colons, la société polynésienne était très égalitaire. Par exemple, le pouvoir était donné indifféremment à une femme ou un homme.
Alors la Polynésie, un modèle ? Bof, elles sont quand même bien victimes de violences conjugale. Mais les hommes ont intérêt à bien y réfléchir et à prendre soin de leurs femmes, vu tout ce qu’elles tiennent !
Geoffrey et Eden ayant achevé leur village, on fait un petit tour de l’île, bien enduits de Monoï et huile de Tamanou, et puis nous pique-niquons nous aussi.
Encore une petite demi-heure de trempage-anti-nonos dans le lagon et déjà le bateau est là pour venir nous chercher…

Au revoir Mesdames, amusez-vous bien !

Nous finissons la journée à la Villa, dans son cadre de rêve…

Demain, nous partons en croisière !!
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1 réflexion sur « Raiatea, l’île sacrée de Polynésie »