On arrive ce 24 Octobre en fin d’après-midi à Bundi. La ville est en contrebas de la route, et déjà, c’est magnifique : Le lac, les maisons bleues, les dromadaires, les singes, et le fort, accroché à la colline en face.
Kipling dit du palais de Bundi : « Le palais de Jaipur peut être appelé le Versailles de l’Inde, celui d’Udaipur est dominée par les collines qui l’entourent et l’étendue du lac Picho, les tours grises du palais de Jodhpur sur leur rocher rouge sont l’oeuvre de géants, mais le palais de Bundi, est un de ces palais que les hommes bâtissent dans leurs rêves agités, et semble l’oeuvre de gobelins. »
De passage ici, il y écrivit « Le livre de la jungle« . Et c’est vrai que ce fort, accroché à la falaise, cette végétation…ont un petit côté surréaliste. On imagine bien que l’histoire de Mowgli s’est déroulée ici, derrière les remparts du fort.
Bundi, ce n’est pas la ville bleue, malgré la couleur de pas mal de maisons, mais la « Cité des sources », car elle compte de nombreux puits et bassins, et on a décidé d’y faire une étape de deux jours.
Elle est en retrait des « tours » classiques du Rajasthan, et on nous en a dit le plus grand bien. On y a trouvé un petit hôtel charmant, le Bundi Inn, tenu par Rajat et sa femme.
On finit la journée sur leur rooftop (toit terrasse), Eden doit aussi faire ses leçons. Tout à coup, trop de bruit..Eden râle, elle ne peut pas étudier. Je me penche pour regarder la rue. En bas, il y a une procession, on ne sait pas de quoi, mais ces chevaux décorés, ces hommes vêtus de blanc, ces femmes aux saris multicolores, c’est magnifique. Allez ma puce, lâche tes cahiers et regarde !
On admire le coucher de soleil sur les collines et le vieux palais. La lune se lève dans notre dos, pleine. On se sent décidément bien ici.
On prend un verre au clair de lune avec une famille d’Allemands qui ont comme nous les yeux qui brillent (au clair de lune ;-))
Le 25 Octobre, on part visiter le fort, le Garh Palace, et on aura beaucoup de mal à y parvenir. Pourquoi ? Simplement parce que la ville est charmante. A taille humaine (enfin, 100 000 habitants quand même !), on y croise des habitants souriant, nous hélant d’un gentil « Namaste » quand ils nous voient passer, pas du tout pressants pour nous vendre quelque chose.
On n’a pas fait 100 mètres en sortant de notre Guest House qu’on rencontre Geet, alias « Mango Man », en train de faire fondre de l’argent pour créer un joli bijou, en forme de « mangue » (d’où son nom).
On remonte la rue, et on s’arrête dans un petit café, attirés par les lassis (boissons à base de lait aromatisées aux fruits, ou salés) et thés « healthy » qu’il propose. Une jeune Israélienne nous aborde : son frère se marie, et elle veut lui offrir une video avec des gens lui souhaitant « Tout le bonheur du monde » dans un maximum de langues. OK, on lui présente nos meilleurs voeux dans notre plus beau français.
On finit par atteindre le fort, et malgré nos rencontres, on devrait encore avoir le temps de le visiter.
On est abordés par un vieux monsieur, qui nous propose de le guider. Vu qu’on s’est bien entendus avec Amine au Taj Mahal, on accepte.
Le palais de Bundi est le moins bien préservé des forts qu’on visitera au Rajasthan. Ici, la nature reprend doucement ses droits. La faute à quoi ? Une querelle d’héritage depuis la mort du dernier Maharajah en 2010. Le palais est administré jusqu’à nouvel ordre par le neveu, qui n’investit par du tout dans sa rénovation. Et comme seule une petite partie est gérée par l’état, qui de toute façon n’a pas assez de moyens pour entretenir toutes les merveilles…
Ce côté authentique lui donne un charme tout particulier. On a l’impression d’être les premiers découvreurs d’un trésor oublié (d’autant plus qu’on est quasi seuls à visiter le fort…).
Entre les chauves-souris et les singes, les trésors du fort se révèlent à nous : Des peintures « miniatures », de différentes époques dans des tons de bleu et vert, ayant donné naissance à l' »école de Bundi ». Notre guide devient alors précieux. Il est capable de nous conter les histoires que cachent chaque tableau.
Et on plonge à travers chacun un peu plus dans l’histoire du Rajasthan :
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- Les Meena, tribu désormais minoritaires : ils régnèrent sur le Rajasthan jusqu’au XIeme siècle, et notamment à Bundi.
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- Les Rajpoutes, caste guerrière : ils régnèrent sur la région à partir du XIeme siècle, mais dont l’âge d’or se situe au XVeme siècle.
- Les Moghols, mulsulmans, venus du Nord : ils régnèrent notamment sur Delhi et Agra et voulurent dominer toute l’Inde, à partir du XVIeme siècle.
Ils ne cessèrent de se battre pour étendre leurs pouvoirs (quand les Rajpoutes ne se battaient pas entre eux pour une sombre histoire de mariage et d’honneur trahi)
On retiendra notamment
- Cet étrange pacte de non agression scellé entre le souverain Rajpoute de Bundi et l’empereur Moghol de Delhi, et qui vaut au palais de Bundi sa superbe porte, offerte en reconnaissance par le Moghol.
- L’histoire de cette belle reine qui s’ennuyait tant dans son palais qu’elle ne cessait de boire et fumer de l’opium…
Etc…
Le soleil décline. On a tellement discuté avec tout le monde et flâné devant les peintures, qu’on se dépêche : Je voulais aller au Marché. Ici, rien ne nous agresse plus. Les vaches deviennent sympathiques, tout comme les petits cochons et le tumulte des scooters et tuk-tuks.
Les commerçants sont dans leurs échoppes surélevées par rapport à la chaussée : Pour acheter quelque chose, on se déchausse, on s’assoit et on prend son temps.
On voit un magasin de saris. Depuis le début, on admire tant les femmes… On entre…On en ressort 2 heures plus tard, avec des ghagharas (longues jupes traditionnelles) pour Eden et moi et une commande de chemises pour Geoffrey, le tout pour un prix dérisoire.
Zut, on a raté le coucher de soleil sur notre rooftop ce soir…Tant pis, cette journée placée sous le signe des rencontres aura été l’une de mes préférées en Inde.
7 réflexions sur « Bundi, aux origines du Livre de la Jungle. »